News  ·  26 | 01 | 2021

Son nom est Lattuada : la Rétrospective de Locarno74

Le cinéaste Alberto Lattuada sera à l’honneur d’une Rétrospective souhaitée par le nouveau directeur artistique Giona A. Nazzaro et présentée par Roberto Turigliatto à l’occasion de la 74e édition du Locarno Film Festival (4-14 août 2021). Figure centrale du cinéma italien pourtant trop souvent sous-estimée, Alberto Lattuada a au cours de sa riche et palpitante carrière traversé plus de 40 ans d’histoire du cinéma transalpin, de ses débuts en 1943 avec Giacomo l’idealista (Giacomo the Idealist) jusqu’à Una spina nel cuore (A Thorn in the Heart) en 1986. Dans l’immédiat après-guerre, le Lattuada « formaliste » a su imposer à l’esthétique du néo-réalisme sa patte élégante et cultivée, conjuguée à un goût pour les genres et les récits populaires.

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Après les Rétrospectives historiques consacrées à la Lux et à la Titanus, le Locarno Film Festival revient explorer l’histoire du cinéma italien à travers Alberto Lattuada, un réalisateur qui a collaboré avec ces deux maisons de production au tout début de sa carrière. En revisitant l’ensemble de son œuvre – dont bon nombre de films sont encore peu explorés, même par les cinéphiles –, nous tenterons d’apporter un éclairage nouveau sur un auteur largement méconnu, en particulier hors d’Italie, souvent considéré comme excentrique, inclassable, et pourtant promoteur d’un cinéma infiniment moderne, à la fois cultivé et populaire. Intellectuel, architecte, critique et photographe de formation, Lattuada est resté fidèle au modernisme d’un contexte culturel milanais en pleine effervescence, observant en spectateur lucide et visionnaire les grandes transformations collectives de la seconde moitié du XXe siècle. Réalisateur virtuose, il a travaillé avec certains des plus grands acteurs italiens et internationaux de son époque et découvert de nombreuses interprètes talentueuses, dont Jacqueline Sassard, Catherine Spaak, Nastassja Kinski et Clio Goldsmith.

Pour le directeur artistique du Locarno Film Festival, Giona A. Nazzaro« Alberto Lattuada est l’auteur d’une filmographie abondante, passionnante et éclectique. Cinéaste au regard inquiet et curieux, généreux et politique, il a su préserver sa singularité et son individualité en se lançant sans cesse de nouveaux défis et en revisitant les genres sans jamais perdre de vue la relation avec le public. Redécouvrir l’œuvre d’Alberto Lattuada, c’est dévoiler le secret le mieux gardé du cinéma italien. Un secret ébouriffant, fascinant et encore mystérieux». 

« Rien ne révèle mieux que le cinéma tous les fondements d’une nation » écrivait Alberto Lattuada en 1945 au sujet du septième art, alors qu’il contribuait avec d’autres réalisateurs à transformer les salles obscures en un lieu de participation civile, politique et morale. Il s’est passionné pour le cinéma au cours de ses études, offrant d’abord ses critiques à des revues spécialisées, puis travaillant à l’organisation de festivals. Ces expériences le conduiront à réunir une collection de films qui, après la guerre, donnera naissance à la Cineteca Italiana de Milan, puis à collaborer avec des auteurs comme Mario Soldati et Ferdinando Maria Poggioli. Après ses débuts dans la réalisation avec Giacomo l’idealista (Giacomo the Idealist, 1943) et Il bandito (The Bandit, 1964), Lattuada est porté par le mouvement néo-réaliste au sein duquel il s’est distingué en y injectant des contaminations et influences tirées du cinéma hollywoodien, avec une prédilection pour le Film Noir et le mélodrame comme le témoigne Senza pietà (Without Pity, 1948). Parallèlement, dans des adaptations littéraires comme Il mulino del Po (The Mill on the Po, 1949), Lattuada a su raconter l’individu et ses connotations sociales en transcendant la sensibilité néo-réaliste. Dans les années 1950, après avoir cosigné Luci del varietà (The Lights of Vareity, 1950) avec Federico Fellini, son regard plus désenchanté s’est porté sur l’humanité humiliée par le miracle économique de l’époque, dépeinte avec justesse dans Il cappotto (The Overcoat, 1952), La spiaggia (The Beach, 1954) et Mafioso (1962). Entre-temps, il a exploré les thèmes de la vitalité et de l’éveil à la sensualité en tant que découverte de soi à travers les protagonistes d’Anna (1951), Guendalina (1957) et Dolci inganni (Sweet Deceptions, 1960). Sa capacité à se renouveler avec une fraîcheur créative constante a conduit Lattuada à réaliser plusieurs autres adaptations littéraires et à passer avec désinvolture de la farce satirique en costume au film policier, au film de guerre, au mélodrame, jusqu’aux téléfilms comme Cristoforo Colombo (Christopher Columbus, 1985), et sa dernière réalisation, Mano rubata, signée en 1989.

« Sensualité, beauté, ambiguïté, maîtrise de la forme, perfectionnisme et expérimentation… Telle est l’œuvre extraordinairement diversifiée d’un homme libre, curieux et anticonformiste, qu’il est nécessaire, aujourd’hui plus que jamais, de redécouvrir », conclut Roberto Turigliatto, commissaire de la Rétrospective du Locarno Film Festival.

Vers Lattuada et Locarno74

Pour accompagner le public de Locarno vers la Rétrospective, les réseaux officiels du Festival publieront ces prochains mois des capsules vidéos réalisées en collaboration avec des universitaires et personnalités du cinéma italien et international spécialistes de l’œuvre de Lattuada, afin de recueillir un ensemble d’idées et de points de vue qui permettront d’ouvrir le débat au mois d’août. Cette initiative intitulée « Verso Lattuada » débutera en février avec les réflexions des critiques de cinéma italiens Paolo Mereghetti et Maurizio Porro, qui animeront les deux premières capsules.

La Rétrospective est organisée par le Locarno Film Festival en collaboration avec la Cinémathèque suisse, la Cineteca Nazionale – Fondazione Centro Sperimentale di Cinematografia, la Fondazione Cineteca di Bologna, la Fondazione Cineteca Italiana et l’Istituto Luce-Cinecittà. Ce projet voit également la participation d’institutions suisses et internationales prestigieuses, qui feront voyager la rétrospective jusqu’en 2022. Parmi les institutions déjà confirmées, on retrouve La Cinémathèque suisse, Cineteca Madrid, EYE Filmmuseum Amsterdam, Filmpodium Zürich, I Mille Occhi à Trieste, Les Cinémas du Grütli à Genève, le Museo Nazionale del Cinema de Turin et la National Gallery of Art de Washington.

La 74e édition du Locarno Film Festival se tiendra du 4 au 14 août 2021. L’équipe du Festival travaille dans le strict respect des règles sanitaires en vigueur afin d’offrir une édition complète. Si ces mesures l’exigent, le Festival se réserve, à tout moment, le droit d’apporter toutes modifications jugées nécessaires, lesquelles seront communiquées en temps utile aux médias et au public.

Biographie d’Alberto Lattuada

Réalisateur, scénariste, producteur et fils du compositeur italien Felice Lattuada, Alberto Lattuada est né à Milan le 13 novembre 1914. Il se diplôme à la Faculté d’architecture de Milan mais est vite attiré par la photographie et le cinéma. Il fait ses premiers pas en tant que critique, puis il passe derrière la caméra en 1943 avec Giacomo l’idealista (Giacomo the Idealist), et rejoint le mouvement néo-réaliste de l’après-guerre avec Il bandito (The Bandit, 1946), où l’on découvre, parmi les interprètes, sa future femme, Carla Del Poggio. Il lance de nombreuses jeunes actrices, dont Catherine Spaak dans Dolci inganni (Sweet Deceptions, 1960) et Nastassja Kinski dans Così come sei (Stay as You Are, 1978). Vers la fin de sa carrière, il capture l’esprit de l’Italie des années 1970 et 1980 à travers des collaborations mémorables comme avec Ugo Tognazzi dans Venga a prendere il caffè… da noi (Come Have Coffe with Us) en 1970, Renato Pozzetto (Oh, Serafina!) en 1976 et Virna Lisi dans La cicala (The Cricket) en 1980. En 1998, il fait don de tous ses documents d’archives à la Fondazione Cineteca Italiana de Milan, qu’il a co-fondée en 1947, tandis que Carla Del Poggio dépose ses archives à la Cineteca di Bologna. Alberto Lattuada est décédé le 3 juillet 2005 dans sa maison d’Orvieto.